Les conditions d’une victoire du mouvement social et politique des gilets jaunes.

Voici maintenant deux mois que la colère d’une partie de la population, défendant les intérêts d’une grande majorité des foyers français, s’exprime tous les samedis sans discontinuité. Ce mouvement s’est auto-organisé en dehors des syndicats, pour porter des revendications à 80% syndicales. Ce qui en fait dors et déjà un mouvement social unique et sans précédent dans l’histoire des luttes populaires de notre pays, depuis les 50 dernières années. Saluons l’extraordinaire énergie de ces citoyens, qui pour la plus part, sans passé, ni culture politique et syndicale, ont dit non, ont dit stop. Saluons le courage de ce peuple d’invisible qui chaque samedi au risque de la mort et de blessure grave, ont bravé un nombre inouï d’interdits liberticides. Saluons l’extrême intelligence tactique de ces groupes qui ont maintenu dans les départements et les villes de différentes tailles des mobilisations qui ont atteint le million de manifestants, et exercent sur le système de gouvernance économique, politique et sécuritaire une pression et une contrainte populaire hebdomadaire, unique en son genre. Cette volonté populaire témoigne d’une intuition et d’une intention claire et net de « ne pas être gouvernée comme cela, pas par cela, pas au nom de ces principes-ci, pas en vue de tels objectifs, pas par les moyens de tels ou tels de ces procédés, pas comme ça, pas pour ça, pas pour eux » ! (1)

Cette constance dans la mobilisation sans relâche depuis plus de 60 jours, les gilets jaunes en payent le prix fort par des morts, des blessés par milliers, des dizaines handicapés à vie, des arrestations et emprisonnements, comme jamais notre pays n’en avait connu. (Situation que ni les syndicats ni les intellectuels de « gauche » ne dénoncent) Cette rage du désespoir qui se ritualise hebdomadairement, qui ne cède rien et d’autre part l’instrumentalisation par le pouvoir des forces de l’ordre, obligent et entrainent aussi ces derniers, dans des conditions de « travail » bientôt insupportables où la fatigue, l’angoisse, le ras le bol et le burnout menacent plus en plus de policiers. Laissant apparaître clairement, de ce côté ci, une faille possible du dispositif d’Etat. Mais cela ne suffira pas pour gagner.

Militants et responsables syndicaux levez-vous et rompez les rangs ! Nous sommes là, à des années lumières des invitations aux promenades pédestres des syndicats, véritables somnifères décennales, et qui, comble de la honte, depuis 2 mois sont atteint d’aphasie et d’immobilisme, ce qui contribue ; premièrement à empêcher des avancées sociales et politiques importantes (les 1 et 8 décembre 2018 les mobilisations, ont rassemblés autour de 800.000 personnes et ont été au bord de l’emporter, comme l’histoire nous le montrera). Mais d’autre part cette absence de soutien, cette absence de ce bouclier symbolique des corps constitués, ont accentuées grandement la répression médiatique, policière, judiciaire qui s’abat tous les samedi sur le mouvement des gilets jaunes. Les directions syndicales ont dorénavant une grande responsabilité dans cette situation. Il serait temps que du côté de ces directions qui militent soient disant pour une transformation sociale et politique, viennent un sursaut de dignité, afin qu’ils retrouvent les valeurs qu’ils affichent si bruyamment habituellement. Mais dés à présent, vous militants et responsables syndicaux locaux, il est temps que vous rompiez les rangs et partout en France, de rejoindre massivement un mouvement qui a les mêmes revendications que les vôtres, les mêmes intérêts. (voir la liste des gilets jaunes de Pau entre autres). Vous aussi renversez vos dirigeants car ils ne sont plus dignes d’en être. Mais cela ne suffira pas pour gagner. Si indiscutablement, la prise des ronds point à été une formidable invention tactique correspondant à un moment de la dynamique du mouvement, Il est temps, maintenant, de quitter la métaphore du rond point, et des actions autour de la circulation et de la consommation, qui vous font tourner en rond idéologiquement depuis quelques semaines sans apporter de réponses politiques et vous expose donc à la récupération des pouvoirs et des partis. Sans la construction d’une affirmation politique du mouvement des gilets jaunes celui ci sera voué à péricliter. Vous devez impérativement investir le champ du POLITIQUE, car Le POLITIQUE est le terreau de toutes les batailles. Dans ce que nous avons pu voir sur les mobilisations savoyardes, et dans un grand nombre de ville de France, il est relativement claire à la mi-janvier 2019, que ; La persévérance, de revendications autour des augmentations de salaire, du pouvoir d’achat, des conditions de travail et de vie, des retraites tout en montrant du doigt les syndicats, ne doit pas vous empêcher de réfléchir à l’usage des outils syndicaux, du syndicalisme (droit humain, plus que centenaire) mais aussi impérativement à désigner, (ce que l’on entend très peu dans vos rangs) le patronat, les multinationales, comme les principaux responsables de vos conditions respectives que vous dénoncez. C’est cette affirmation là qui vous obligera ainsi à étendre et votre réflexion et vos actions en direction de la production. Sans cela le mouvement restera aveugle. La haine contre les médias, sans les nommer comme des médias dominants, n’aide pas les gilets jaunes à accéder à la compréhension et à la nécessaire connaissance de ce qu’est l’information et les conditions de productions de celle ci. Depuis des années et pour certains des décennies, des médias alternatifs se battent pour représenter une autre réalité de nos territoires. Vous avez ici, aussi à produire vous mêmes des objets d’information efficients, mais aussi à contracter des alliances objectives avec des médias alternatifs, pour construire en complémentarité une représentation sociale et politique du mouvement plus massive et dominante qui aurait l’ambition de contrecarrer le rouleau compresseur des médias au service du pouvoir. Sans cela la bataille de l’opinion n’aura aucune chance d’être gagné. La persistance dans la demande de baisse des taxes et des impôts ou la vindicte contre des privilèges des élus, contre l’injustice fiscale, avec pour seul slogan “Macron Démission“ sans désigner à aucun moment le système même qui le produit, c’est à dire le système capitaliste, n’est pas une erreur mais une faute. Continuez ainsi c’est prendre la direction royale vers l’impuissance de ce mouvement

Vous avez fait une partie extraordinaire du chemin car vous avez mis a nu le pouvoir en montrant son extrême faiblesse, comme jamais aucune force social eau politique ne l’avait fait jusqu’à présent. Mais l’ordre qui est devant vous, mais l’ordre qui est devant nous tous, (et oui vous n’êtes pas tous seuls) est un ordre normatif et de raison qui porte un nom : le Néo Libéralisme. Ne pas le nommer, ne pas s’opposer à cette raison d’Etat, rend les voix aphones, les actions stériles, et revient à ce débattre seul dans un labyrinthe sans fil d’ariane. En effet depuis maintenant plus de 40 ans et à cause des forces de « gauche » qui s’y sont ralliés goulûment, le néo libéralisme, s’est introduit par le biais d’une simple et anodine politique économique, mais qui n’a eu de cesse d’être une politique de gouvernance ubiquiste et totale. Il a fait son nid et s’est profondément disséminer dans tous les domaines et activités de la société ayant l’ambition de tordre et de manager même, jusqu’à toutes nos conduites humaines. Son projet qui est en train de s’appliquer et qu’il faut stopper est de contraindre, de rincer l’ensemble des sphères humaines, mêmes celles qui ne peuvent être « monétisées », aux seuls critères économiques, et c’est bien ce que vos revendications prises une à une dénoncent, sans voir pour autant le projet global qui les rassemble et l’unifie. Cette idéologie néo libérale pour cette raison même est, au sens propre, un système totalitaire qui se met en place partout. C’est ce seuil idéologique que vous devez franchir. ce sont ces pas politiques que vous devez déployés pour armer une puissance. Le néo-libéralisme avec son arme, l’économisation de la société, a pour s’imposer comme tel, l’absolu nécessité de chasser de la sphère humaine, sa grande rivale, à savoir la notion de POLITIQUE. C’est en évacuant Le POLITIQUE et en faisant même que les masses populaires s’en dégoute, qu’il peut affirmer ainsi sa pleine domination. Aussi les gilets jaunes, ne peuvent continuer à vouloir inventer l’eau chaude ou le fil à couper le beurre. Vous avez aujourd’hui l’obligation d’accueillir toutes les forces militantes, associatives, informationnelles, syndicales et politiques qui veulent contribuer à une réelle transformation sociale et idéologique au service de plus de dignité de tous les citoyens, de tous les travailleurs, public ou privé, chômeurs ou retraités, français ou immigrés. C’est cela agréger une force significative, c’est cela créer un rapport de force.

Nous devons, non pas remplir des cahiers de doléance, ni siéger à des débats infantilisants, mais continuer à produire un lieu propre, autonome, son propre espace, comme ayant la pleine propriété de sa position: comme étant un pouvoir politique indépendant. C’est cela mettre en oeuvre une volonté, une stratégie. “La rue conseille“ dit un tag sur nos murs, mais à la condition de, non pas abandonner la harangue ou la pression des rues, qui sont des armes tactiques du peuple, mais à la condition de construire aussi et en même temps ce que le murmure des pavés nous commande depuis des siècles : ce constituer comme un SOUVERAIN et exercer sa puissance de renversement et de construction d’un monde profitable au plus grand nombre. C’est ces conditions qui demain nous ferons peut-être gagner, c’est ces conditions qui contrerons ce pouvoir tyrannique et ferons que cette domination du peuple s’institue enfin. “Un grand soleil d'hiver éclaire la colline Que la nature est belle et que le coeur me fend La justice viendra sur nos pas triomphants“ L’Affiche Rouge - Aragon (1) Qu’est ce que la Critique 1978, Michel Foucault

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