Une usine de production de gaz va t-elle polluer la Combe de Savoie et défigurer le Granier ?
Ce bel écrin à préserver
La combe de Savoie et le Haut Grésivaudan forment un bel écrin majestueusement dominé par « ...Les plus belles montagnes du monde. » dit-on, par ici, en toute modestie. Ils sont, d’ailleurs, nombreux les élus de ce secteur à affirmer leur volonté de préserver ce patrimoine naturel. Oui mais voilà, les intentions électoralistes ne résistent pas longtemps aux appels pressants des lobbies.
Il a suffi que l’état décide, par exemple, de l’implantation de 10 000 usines de production de gaz méthane en France, afin de libérer le pays du dictat international de l’approvisionnement en gaz naturel, pour que nos villages se voient exposés à des projets industriels à risques forts.
Chapareillan, plus précisément, a vu apparaitre soudainement cet avatar à la suite du conseil municipal du 30 septembre 2021, délibérant favorablement pour un projet de méthaniseur géant sur la commune de Porte de Savoie sa voisine.
Le bel écrin risque d’accueillir un curieux joyau !
Il a suffi, aussi, que l’implantation d’une unité de méthanisation se projette pour que les citoyens s’intéressent enfin aux énergies fossiles, à leur épuisement et aux alternatives pour les remplacer. Pétitions, rassemblements, vives discussions dans les chaumières... Immanquablement les boucliers se lèvent contre les mauvaises odeurs, les épandages douteux et les probables atteintes à la qualité de l’environnement.
Le bel écrin se met à gronder !
Ces agriculteurs, prêts à produire de la matière fermentescible afin d’alimenter les digesteurs géants plutôt que de la nourriture, seront-ils à nouveau confrontés aux résidents, soucieux de leur qualité de vie, comme ce fut le cas dans ce même secteur, dans les années 80, pour un projet avorté de porcherie industrielle. L’histoire bégaie !
Tous, pourtant, dressent de semblables étendards verts. Les uns prétendent agir pour l’environnement en innovant pour des énergies nouvelles (le gaz méthane issu de la fermentation de déchets), les autres doutant sérieusement des vertus de ce type de projet du fait des nuisances probables.
Le débat est tronqué et c’est pour cela qu’il n’y aura pas consensus !
D’un côté, nous avons un monde agricole qui cherche à vivre de son métier, la production de matières végétales fermentescibles représenterait un solide complément de revenu. Nous avons aussi et surtout des entrepreneurs investissant à des fins mercantiles avec le soutien de l’état pour vendre du gaz... De nouveaux Emirs ? Ce type d’agriculture-là a-t-il démontré jusqu’à présent son implication dans la protection de l’environnement ?
De l’autre côté, nous avons les habitants des villages environnants concernés par les odeurs et les risques industriels, se levant tous les matins en admirant les montagnes et les forêts, respirant le bon air, écoutant le chant des oiseaux. Cette population agit-elle sérieusement pour palier à l’épuisement des ressources naturelles ? A-t-elle entendu les appels de Pierre RABHI, chantre de la modération, et de tant d’autres scientifiques et lanceurs d’alertes sur le réchauffement climatique ?
Car si l’on a besoin de produire du gaz, c’est bien parce qu’on le consomme !
Il aurait donc fallu qu’un débat public s’instaure, que tout l’intérêt ainsi que toutes les conséquences d’une telle installation industrielle soient exposés.
Un si bel écrin mérite bien un peu de pédagogie et de démocratie.
C’est ce qui a été fait, en partie, dans la commune de Portes de Savoie où l’on organisa une réunion publique d’information et de débat à laquelle les habitants étaient invités avant que le conseil municipal ne délibère.
Ce n’est pas, en revanche, ce qui s’est produit à Chapareillan le 30 septembre 2021. Là, fidèles à un fonctionnement autocratique en vigueur depuis 2014, Madame le Maire et sa municipalité ont donné un avis favorable à la méthanisation industrielle sur le territoire de la commune voisine, en toute discrétion, sous la pression et l’influence d’un maire-adjoint, agriculteur lui-même, concerné et impliqué dans le projet.
La délibération aurait pu d’ailleurs faire l’objet d’un recours en annulation car le Maire adjoint en question est resté dans la salle du conseil, bien qu’il ne puisse participer au vote pour cause de conflit d’intérêt. Les arguments et contre arguments n’ont pas été exprimés, le débat démocratique n’a pas eu lieu, un silence gêné l’a remplacé, le conseil municipal a donc trahi l’une de ses promesses électorales : « ...Chapareillan est un écrin magnifique que nous souhaitons préserver... » (Edito du programme électoral 2020 de Martine VENTURINI).
L’écrin risque de révéler une forte odeur de pet plutôt qu’un magnifique éclat !
Mais l’affaire ne s’arrête pas là :
Les citoyens de Chapareillan, de Porte de Savoie et de bien d’autres communes se mobilisent : Tractage, pétition, rassemblements, réunions, les fourches sortent des granges ! Les arguments ne manquent pas pour contester la production industrielle de gaz méthane, les risques sont forts et connus, justifiant un classement ICPE de ces gros digesteurs :
La perspective de subir l’acheminement de tous types de déchets fermentescible en complément de déchets de maïs et de cultures intermédiaires à vocation énergétique.
L’incertitude sur la teneur en polluants divers des boues résiduels destinées à l’épandage sur les terres agricoles.
L’implantation de ce site industrielle généreusement subventionnée par l’état en pleine zone naturelle classée NATURA 2000, pour la sauvegarde de laquelle les collectivités locales ont déjà beaucoup investi.
Etc.
Le bel écrin tremble d’indignation ! Et quand la combe de Savoie et le Haut Grésivaudan réunis tremblent, ça fait du « BAROUF » !
Du coup, Madame le Maire de Chapareillan entend faire annuler sa délibération avant qu’un recours en annulation ne l’y contraigne.
La commune de Porte de Savoie fait suspendre le permis de construire du puant édifice.
Les citoyens constitués en collectif portent l’affaire devant le tribunal administratif, le recours est instruit, une décision est attendue avant Noël 2023.
Une nouvelle preuve est apportée de la nécessité pour nous, simples citoyens, de nous saisir de tout ce qui concerne notre vie collective. On ne peut plus se satisfaire et se contenter de sa destinée personnelle, agir pour la collectivité est devenu salutaire. Pour la sauvegarde de la planète et la lutte contre le réchauffement climatique, il est clair que chacun d’entre nous doit prendre sa part et adapter son mode de vie. Mais l’indigence de certains pouvoirs politiques nous oblige aussi à nous mobiliser collectivement.
Un si bel écrin le mérite bien.
PS : Info de dernière heure : Le recours engagé par le collectif de citoyens a abouti favorablement à l'annulation du décret préfectoral.
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