Municipales 2020 : ABSTENEZ-VOUS !

Nous vous proposons une série d’article autour des trois possibilités du vote. Voici donc les trois instances de choix du citoyen devant l’appel des urnes : Abstenez-vous ! Votez ! Exprimez-vous ! Les municipales de mars 2020 n’échappent pas à ce déterminisme. Nous allons donc ici analyser le premier de ces trois gestes électoraux. Abstenez-vous ! Abs-tēnuus (« qui s'abstient de vin ») Serait-ce une volonté d’arrêter de boire, comme semble l’indiquer la locution latine, ou encore d’être pris de terreur abs-terreo (« détourner par la crainte, détourner, chasser »)? La bonne foi nous oblige plutôt à nous rapprocher de abs-tineo  (« se tenir éloigné de, se maintenir loin de ») . On pourrait même aller jusqu’à accepter le mot : absence (« perte passagère de la mémoire et même de la connaissance, due à un excès de fatigue, ou à une intoxication ... ») Le centre national de ressources textuelles et lexicales du CNRS nous indique : S’Abstenir : 1- S'interdire volontairement, comme en restant à l'écart, d'user de quelque chose d'entreprendre une action ou d'y participer. 2- S’interdire la jouissance que pourrait procurer une chose, une valeur, une personne  Dans cette instance de l’abstention, de l’absence nous distinguerons plusieurs groupes

Les invisibles : les non-inscrits ou mal-inscrits Car ils ont en effet oublié jusqu’à s’inscrire sur les listes électorales, voir pour certains n’en soupçonnent même pas l’existence. Ils sont hors radar, dans la nuit ou le sous sol de la démocratie électorale. L’INSEE dans son étude de 2018 avançait le chiffre de plus de 3 millions.Mais d’autre parle qu’il y aurait aussi, près de 6,5 millions de Français «mal inscrits» ce qui ferait un total de 9,5 millions (rapport parlementaire de 2014) sur un total de 47 millions . Soit près de 12% du corps électoral inscrit. Les trentenaires non diplômés représenteraient 43% D’après Céline Braconnier auteure de la Démocratie de l’abstention (Gallimard, 2007), il faut distinguer deux catégories : les milieux populaires d’un côté, et les cadres et étudiants d’un autre. Alors que les premiers subissent un turnover important «d’un HLM à un autre», «les cadres supérieurs qui quittent Paris pour aller s’installer à Bordeaux ou Grenoble sont [aussi] des catégories de trentenaires très mal inscrites. Il y a un phénomène de procrastination qui est très fort, et la procédure [de réinscription] ne suit pas». En Seine-Saint-Denis, où«l’éloignement d’un quartier à l’autre constitue un obstacle rédhibitoire à la participation». En revanche, le niveau de politisation des cadres ou étudiants les pousse davantage à établir une procuration. «Il faut que le vote soit facile pour voter» (Libération 6/07/2018). Dans son étude de 2004 « Déterminants de la non-inscription électorale et quartiers sensibles en France » Jean-Louis Pan Ké Shon, chargé de recherches à l'Institut national d'études démographiques (Ined), se demande «  si la concentration de populations socialement défavorisées en un même espace produit un effet propre au quartier qui accentuerait le phénomène de la non-inscription. Dans cette hypothèse, le sentiment de relégation des habitants des quartiers pauvres les conduirait à se désintéresser de débats considérés comme étrangers à leur situation et à rester en retrait de la vie électorale » . À Chambéry on peut estimer ces non-inscrit autour de 2500 à 3500 personnes.

Les visibles : Les abstentionnistes (selon la désignation électorale). Ceux pour qui malgré leur inscription, l’offre électorale, même variée, ne soulèvent guère l’enthousiasme au point de ne pas franchir le seuil, du bureau de vote encore moins le bord de l’urne. Pour beaucoup les hommes politiques les ont tellement dégoutés, que le simple mot de POLITIQUE leur provoque un prurit, un spasme de nausée, voire plus. Cela tombe bien puisque un des objectifs du (des) néo-libéralismes est d’effacer ce mot, POLITIQUE du champ lexicale, d’exproprier les individus de la sphère citoyenne, en les réduisant à de simple homo oeconomicus. Qu’il y est de décennie en décennie le moins de votant possible cela les arrange grandement.Et c’est bien là non pas simplement un choix individuel, mais bien un choix produit par des conditions sociales données, qui structurent des catégories de la société et qui les immobilisent dans un schéma particulier : la retenue. Il faut dire que régulièrement, les sondages nous indiquent que 7 français sur 10 estiment que les élections ne servent à rien. Antoine Bueno dans son ouvrage “No vote“ Incite les citoyens à ne pas aller voter non pas comme simple acte de protestation mais au contraire comme un acte politique contre le système . Cela portera -t-il une vision nouvelle ? “Osons réinventer le système ! “ dit encore cet auteur.

La fabrique du consentement Et c’est l’exercice de cette fabrique qui détermine des “augmentations ou des diminutions de puissances“ et donc de changements ou non par cette voie électorale.C’est bien là le premier levier de la fabrique du consentement (W.Lippmann/ E.Bernays), qui sectionne (sélectionne ?) une partie de la masse, afin que cette dernière se donne l’impression que c’est elle même qui fait sécession. Ce que Gianni Carchia désigne dans son livre Orphisme et Tragédie « Refuser d’avoir part au meurtre fondateur de la vie en cité, à sa comédie de l’innocence et par là au mensonge de la vie sociale, tenir que la vraie vie est ailleurs ». En son temps Bartlby (nouvelle de H.Melville 1853) ne disait -il pas déjà la même chose dans sa formule quelque peu oublié, mais oh combien d’actualité, « I would prefer no to » que l’on pourrais traduire par « je préférerais mieux pas » ou encore «  je préférerais ne pas ». Cette formule disait Deleuze « élimine aussi impitoyablement le préférable que n’importe quel non préféré » En somme c’est une vraie volonté de néant ou un croissant « néant de volonté ». C’est ce que craint tout jokey au Grand Steeple-Chase de Paris, quand arrive la ligne droite d’Auteuil; le refus d’obstacle Une sorte de punk attitude face à l’urne…qui leur fait dire « arrêter de nous casser les bur…avec vos élections ». Ces “érections démocratiques “ à répétition renforce la verticalité des pouvoirs, ne nous étonnons donc pas que certains se sentent pris pour des cons. Il parait tout à fait logique que la grande machine à exclusion, du capitalisme, s’applique aussi logiquement au domaine électoral. À Chambéry, on peux imaginer sans difficultés que des citoyens souhaitant une réelle dynamique de changement soient et dégoutés et démoralisés de voir qu'il va y avoir 4 listes portant ces idées ou cette prétention . Il y a bien quelque chose qui ne tourne pas rond. Aux élections municipales de 2014, ils étaient plus 15.000 citoyens (constituant le plus gros contingent) représentant 45,66 % du corps électoral inscrit. Si on ajoutait les non-inscrits (hypothèse haute), nous serions à plus de 50% d’abstention. Bon pour l’instant contrairement à ce qui se passe en Belgique ou en Grèce il n’y a pas de sanction pour cette catégorie…mais cela ne tardera pas à arriver…n’en doutons pas.

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